Yjar, le joyau de la Rioja

Telmo Rodriguez et le renouveau de la Rioja

En regardant dans le rétroviseur, Telmo Rodriguez se dit qu’il a eu de la chance d’être là au bon moment. Le vigneron basque se souvient qu’avant sa génération « Le monde du vin en Espagne était devenu assez industriel et assez générique ». Portée par de nouveaux passionnés, l’Espagne a alors redécouvert son patrimoine et s’est rendu compte que le pays abritait « des vignes incroyables ». Après plus de 30 ans en formation à Bordeaux et en France, Telmo Rodriguez revient en Espagne et fait partie de ce mouvement,  en rencontrant  de « grands vins » dans son pays.  

« Après avoir été complètement fasciné par les grands terroirs français, je suis rentré et j’ai vu en Espagne des terroirs fascinants. Ma chance était qu’ils avaient été abandonnés. C’était un peu comme d’entrer dans un musée fermé, d’ouvrir les portes et de trouver des œuvres exceptionnelles ».

Telmo Rodriguez, vigneron et œnologue

Sur ces terroirs, Telmo Rodriguez s’est intéressé aux cépages autochtones et à leur préservation grâce à la sélection massale. Le vigneron souligne que l’Espagne dispose d’une richesse variétale souvent sous-estimée : « L’Espagne a un bijou que peu de monde connaît, on a des centaines de cépages ». Dans un monde dominé par une poignée de cépages, Telmo Rodriguez pense que la diversité espagnole va devenir un argument sérieux auprès des amateurs de plaisirs inédits. « Le moindre vignoble chez nous dispose de 40 cépages », précise-t-il. Pour Yjar, Telmo Rodriguez a vinifié des raisins issus de cinq cépages autochtones : Garnacha Tinta, Graciano, Grand Noir, Rojal et Tempranillo. 

Yjar, un joyau de la Rioja

Si Telmo Rodriguez a voulu remettre les vins espagnols sur le devant de la scène, c’est au cœur du domaine familial qu’il a trouvé la perle rare. Dans sa jeunesse, il avait déjà remarqué une parcelle particulièrement intéressante. Des années plus tard, fort de son expérience, le vigneron est revenu à Remelluri, avec l’idée de « sortir le bijou du domaine ».

Des études approfondies des sols montagneux s’en sont suivies, pour isoler « 3,8 hectares très particuliers », sur des sols calcaires, avec une forte concentration de carbonates et d’éboulis. Dans ce lieu chargé d’histoire, qui abritait un monastère au XIVe siècle, Telmo Rodriguez et son équipe ont commencé à mûrir l’idée d’un vin. Ce sera Yjar, dont le premier millésime a été commercialisé en 2017. Esther Degorce-Dumas, Business Development Director chez Twins, n’hésite pas à parler de « Grande découverte. Avec le troisième millésime, on commence vraiment à sentir la personnalité d’Yjar », remarque-t-elle. Un vin finement ciselé, avec un beau nez fruité, des tanins raffinés, une légère tension et une finale d’une grande longueur. 

Le 1^er vin espagnol distribué par les négociants de Bordeaux

Pour Yjar, Telmo Rodriguez a choisi de confier l’exclusivité de la distribution à la Place de Bordeaux. Parmi le petit groupe de négociants choisis figure Twins, ce qu’Esther Degorce-Dumas qualifie de « grand bonheur ». Yjar devient ainsi le premier vin espagnol à suivre ce chemin. Pour le vigneron basque, ce choix a tout de l’évidence. Tout d’abord, il s’agit d’un clin d’œil à son parcours professionnel :

« Mes yeux se sont ouverts à Bordeaux dans les années 1980 et je trouvais que c’était une très jolie façon de revenir à Bordeaux, de remercier Bordeaux ». 

Par ailleurs, l’histoire des vins de la Rioja côtoie depuis longtemps celle du vignoble bordelais. C’est dans le village de Labastida, qu’un vin de style médocain a été élaboré à la fin du XVIIIe siècle. Des techniques et savoir-faire bordelais y ont été copiés avec succès, comme le tri des raisins, la récolte à maturité ou encore l’étalement de la vendange en fonction de l’exposition des parcelles. 

« L’histoire de la Rioja a été très liée à l’histoire de Bordeaux. Depuis 1700, on a toujours regardé Bordeaux, mais jamais Bordeaux ne nous a regardés. Je devais aller à Bordeaux pour dire à mes amis : ‘Voilà, vous n’avez pas su nous voir, mais aujourd’hui vous avez l’opportunité de faire quelque chose avec nous’ ».

Telmo Rodriguez, vigneron et oenologue

Et Telmo Rodriguez de conclure dans un franc sourire : « C’est un grand vin. Je n’ai jamais osé dire ça, mais quand on le goûte, on peut dire de Yjar qu’il est un grand vin ».

Conseil d’accord mets et vins avec Yjar 2019, par le chef Arthur Leprevost : 

Filet de veau fumé, truffe noire, salsifis, jus corsé, émulsion aux champignons et poudre de cacao.